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Laurent Jalabert : interview du dim 15 sept 2013 à la Ronde Cérétane

..... Laurent Jalabert au 64e Critérium du Dauphiné 2012 : Photo Claude Roig .....

Laurent Jalabert, parrain de la trentième édition de la Ronde Cérétane, s’est montré envers le public catalan extrêmement sympathique et disponible. Avec un franc parler, il a pu au travers d’un colloque spécifique organisé à son encontre, répondre aux questions, partager ses convictions et nous rappeler ses qualités :

  Laurent, Après ton accident de mars, la première question qui s’impose est de vous demander comment çà va ? Avez-vous retrouvé tous vos moyens ? une bonne santé ? Et suite à votre affaire, retrouverez-vous votre rôle de consultant à RTL et France Télévision ?

  La santé s’améliore. C’est sûr, en mars, j’ai été victime d’un accident grave. Percuté en vélo par une voiture, j’ai eu deux factures, une au tibia, l’autre ouverte à l’humérus. Mon bras gauche et ma main était HS. Je recommence à peine à retrouver ma mobilité. Je suis en voie de guérison. J’ai refait dernièrement un peu de vélo. Cela s’est avéré difficile parce que ma main n’était pas encore en état de freiner. J’ai tout de même retrouvé quelques sensations : mal aux jambes, déplacements d’air, odeurs, bouffées d’oxygène. Au mois d’août, je boitais encore. J’ai essayé une seule fois de recourir, ne serait-ce que pour participer aux six km de la Ronde Cérétane. En vain. J’ai du renoncer au bout d’un kilomètre...

Quant à "l’affaire", il n’y a pas d’affaire. Je n’en sais pas plus que vous. Les médias, certes, ne me tournent pas le dos mais le contexte est difficile. Avec le temps, sans doute, les choses vont s’apaiser. L’année prochaine peut-être... Je suis évidemment partant pour retrouver mon rôle de consultant sur le Tour.

Une chose est sûre. En 1994 et en 2013, j’ai été victime de deux accidents graves. Aujourd’hui, j’appréhende. Je me suis rendu compte que la vie ne tenait vraiment qu’à un fil. Deux secondes avant d’être percuté par la voiture, je la voyais. Je n’imaginais pas qu’elle allait changer brutalement de direction. Je ne pensais pas au danger. Aujourd’hui, je me rends compte que j’ai eu pas mal de pètes, surtout côté gauche. J’ai maintenant envie de vivre, et longtemps. J’ai 45 ans. Je suis encore jeune. Je suis impulsif et j’aime les défis. Je continuerai avec mes amis à pratiquer le triathlon, la course à pied. Mais je mettrai plutôt la pédale douce au niveau compète. J’ai touché du bout des doigts que tout pouvait s’arrêter en un instant. Je vais continuer le sport, juste pour le bien-être. De toute façon, quel que soit votre niveau en compétition, y aura toujours des concurrents qui seront plus rapides.

  Commenterez-vous un jour à nouveau le Tour ? Cela nous ferait tellement plaisir, à nous public..

  C’est mon souhait. Je n’ai pas choisi ce qui m’est arrivé. Cette année, je n’ai absolument pas suivi le Tour. J’ai préféré m’en détourner. Depuis tout petit, tous les ans, j’ai toujours suivi le Tour. Je me suis rendu compte que plein de gens ne s’intéressaient pas au Tour. En France, nous sommes quatre-vingts millions. Le Tour en intéresse que huit millions. Il ya donc une vie en dehors du Tour. Le commenter à nouveau, oui, dès que possible. Ce qui m’intéresse, c’est d’intéresser les gens.

  Vous êtes passé du cyclisme au triathlon, comment avez-vous géré cette transition ?

  Quand j’ai arrêté la compétition en 2002, j’étais encore compétitif. En 2002, je termine le Tour avec le maillot à pois. Beaucoup de gens n’ont pas compris mais moi, j’en avais marre. Marre de m’entrainer. Envie de passer à autre chose. J’ai fait à l’époque une mononucléose. Je me suis arrêté. Je n’ai alors pas ressenti de manque. Ma motivation était différente. Je ne pensais qu’à bien vivre.

Et puis, je suis passé très vite de 66kgs à 85kgs. Lorsque je montais les escaliers à la maison, j’étais essoufflé, mes gamins se moquaient de moi. Je me suis dit, il faut réagir. Je me suis mis à courir. Et naturellement, entre amis, on s’est motivés pour faire un marathon. On a réussi difficilement à choper un dossard pour New-York. Je me suis documenté pour bien me préparer. J’ai suivi un plan, j’ai bien écouté les conseils qu’on me donnait. Je comptais faire 3h30. J’ai fait 2h55. J’ai retrouvé des automatismes de compétiteur. Mais j’étais détruit. Mal aux jambes. Pendant des jours, j’ai monté les escaliers à l’envers... Et puis, j’ai fait Chicago, Barcelone en 2h45. Je me suis mis à voyager, à découvrir, grâce au sport. Toutefois, la course à pied m’a aussi beaucoup blessé : pas mal de périostites, des douleurs que je n’avais jamais ressenties au vélo.

J’avais un ami qui faisait du triathlon, il m’a dit : viens avec moi. - Mais je ne savais pas nager le crawl ! - Tu as la caisse, tu vas apprendre... Un vrai défi. J’ai pris des cours à la piscine de Montauban. J’ai mis 1’30 pour ma première traversée de bassin. Lorsque j’ai dit au maitre-nageur que je voulais courir un Iron Man six mois plus tard, il a ri. Mais j’ai persévéré. J’ai enchainé les Iron Man d’Hawaï et de Zurich. Chaque fois, j’a du sortir de l’eau dans les 1200èmes. A chaque fois, en vélo, j’ai rattrapé 600 ou 800 concurrents. C’était spectaculaire. Je me suis découvert une nouvelle passion, partagée avec les collègues. J’ai retrouvé un équilibre grâce au sport. Je me suis rendu compte que j’étais avant tout un sportif pratiquant. Le sport contribue à mon équilibre. Je suis un bon vivant mais je trouve aussi du plaisir à me faire mal. Mon bien être passe par cette addiction aux endorphines.

  Quel volume kilométrique effectuiez-vous à l’entrainement pour préparer ces épreuves ?

  Un Iron Man, c’est nager 3800 mètres, pédaler 180 km et enchainer un marathon de course à pied. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne faut pas se mettre ratatiné sur le vélo. Trois mois avant Zurich, je faisais 400 km de vélo, 40 km de course à pied et je nageais 6 à 8 km par semaine. Trois séances de chaque.

  Comment gérez-vous la douleur dans le sport à 40 ans ?

  On a toujours du plaisir à se faire mal ou à faire mal aux autres. On s’accommode souvent de la douleur. Mais il importe avant tout de savoir si elle est normale ou anormale. Comme je disais, avec la course à pied, j’ai ressenti des douleurs jusque là méconnues en vélo. Des problèmes d’articulation. Autant que boire donne mal à la tête, courir donne mal aux jambes. Ce qui est sûr, c’est que quand çà fait mail, il n’y a que le repos qui vaille. Face à toute douleur, il faut trouver l’origine et savoir mettre la pédale douce.

  Êtes-vous satisfait d’avoir collaboré à la notoriété du triathlon ? Et comptez-vous reprendre cette activité ?

  Oui, j’en ai ressenti beaucoup de plaisir. Même si certains triathlètes m’ont jalousé. C’est sûr qu’en finissant loin des meilleurs, ma 45ème place était pourtant beaucoup plus médiatisée que celle des premiers. Revenir ? Je répondrai oui pour ne pas vous décevoir. Mais différemment. Aujourd’hui, j’aimerais profiter de la vie. La semaine dernière, je suis allé à las Vegas soutenir des amis qui couraient le championnat du monde. Ce ne m’a pas manqué de courir, je n’en ai pas ressenti l’envie. Si je reprends l’activité, je ne ferai plus autant de grosses épreuves. Je me contenterai d’Half Iron Man, ce qui est déjà long.

  Sélectionneur de l’équipe de France, que pensez-vous des jeunes coureurs français et croyez-vous que parmi eux, il y a un prochain vainqueur du Tour de France ?

  Ce qui est sûr, c’est que la toute nouvelle génération est complètement décomplexée. Les victoires d’étape françaises lors de la Vuelta l’attestent. Les jeunes sont très bons. Mais pour gagner le Tour, il faut encore acquérir un niveau au dessus. Il faut être parfait partout : en montagne, en descente, aux contre la montre. Depuis la victoire de Bernard Hinault en 1985, c’est devenu difficile pour Les Français. Le cyclisme a évolué, élargi son horizon, s’est ouvert sur les Pays de l’Est, à l’Australie. La concurrence est devenue plus rude. Les Français se sont décomplexés, c’est un bon point...

  Chavanel ?

  Chavanel est un excellent coureur. Mais je crains que pour lui, il soit déjà trop tard. Les meilleures années pour un coureur se situent entre 27 et 32 ans.

  A propos de cette mondialisation du cyclisme que vous évoquez, pensez-vous qu’un jour, les Africains peuvent dominer le cyclisme mondial comme ils dominent la course à pied ?

  Il y a beaucoup de bons coureurs en Afrique, en Erythrée notamment. L’UCI fait de gros efforts pour que se développe le cyclisme. Mais en Afrique, la culture du vélo ne le permet pas facilement. Les infrastructures, les routes, l’entretien du matériel... Je plaisante mais, à mon avis, il y aura un Français vainqueur du Tour de France avant que ce ne soit un Africain...

  Quel est votre souvenir de descente périlleuse le plus marqué ?

  Les descentes les plus périlleuses sont celles où, en chasse, on essaie de rattraper ce qui a été concédé à la montée. Et quand on est entamé, on se met en danger. Pour bien descendre, il faut rester lucide, serein, concentré.

  Le modèle Anglais comme l’équipe Sky vous inspire-t-il ?

  Oui. Mais il faudrait avant tout en avoir les moyens. Les financements en France ne sont pas faciles à trouver. Les grandes entreprises françaises qui en disposent ne sont pas intéressées par le Tour. Sly a la chance d’avoir un mécène, passionné de cyclisme, qui ne compte pas. En France, la FDJ dispose de la moitié du budget de la Sky. En France, il y a pour une équipe beaucoup de charges à payer. Le cyclisme ne vit que du sponsoring. Pas d’entrées payantes, pas de rentrées télé. C’est un sport qui reste gratuit pour le spectateur. Le cyclisme est un sport peu défendu. C’est d’ailleurs pour çà qu’il est autant attaqué.

  Un poste de directeur sportif vous intéresserait-il ?

  Oui, sûrement. Si l’alternative se présente. Même si pour l’instant, je souhaite pouvoir continuer là où on m’attend. Légitimité et compétences. Directeur sportif ? J’y ai déjà songé. Ce serait sans doute pour moi qui ai toujours envie d’explorer un nouveau défi.

  Si France Télé vous le demandait, accepteriez-vous de commenter le Tour en duo avec Richard Virenque ?

  Oui. Sans problème, je le peux. Sans doute le public apprécierait-il. Mais ce n’est pas moi le patron, je ne suis pas décideur de ce genre de choses. Je ne suis qu’un prestataire de service et je m’accommode des gens avec qui je travaille. Richard et moi possédons tous les deux des caractères de champion. Ce n’est pas toujours facile de lier pareils caractères. Je me souviens m’être frité avec Laurent Fignon... On s’est dit les choses, ce qui reste le plus important.

  Êtes-vous pour ou contre le port des oreillettes en course ?

  J’ai souvent eu l’occasion de dire que j’étais contre. Parce que le spectateur aime les envolées, les échappées. Il aime quand çà part dans tous les sens et que rien n’est contrôlé. Mais j’ai aussi eu l’occasion d’être coach, notamment au championnat du monde, on a eu beau établir et mettre en place des stratégies avant course avec les coureurs, il y a eu des conneries et, sans oreillettes, sans infos, on ne peut plus intervenir. Frustration du coach. Aujourd’hui, en course, celui qui part devant cherche juste à montrer son maillot. Il sait très bien que le peloton rentrera de toute façon. Les oreillettes influent probablement sur les résultats... Pour attaquer, un coureur attend qu’on le lui dise. Parce que c’est plus facile de ne pas attaquer... Autrefois, sans oreillettes, je me souviens qu’un directeur m’avait fait passer une étiquette plaquée par un élastique autour d’un bidon marquée : Attaque !!

  Le Tour de France a paru cette année a beaucoup de gens mal équilibré. Pensez-vous que Tour d’Espagne et d’Italie sont plus attrayants ?

  Le Tour de France est différent des deux autres grands tours. Ce qui est dur dans le Tour de France, ce sont ces trois ou quatre étapes successives de montagne. Dans les Alpes, puis dans les Pyrénées. Comme on dit : une, çà va ; trois bonjour les dégâts. La difficulté réside à passer ces journées. Vuelta et Giro sont plus certes plus équilibrés. A chaque journée sa peine. L’autre différence, c’est la pression médiatique. Les bords de route en France sont noirs de monde. En Espagne, on traverse parfois des campagnes complètement désertes. Les arrivées d’étape peuvent aussi différer. En Espagne, les arrivées ont parfois lieu dans des trous perdus, en haut d’une côte. En France, elles répondent à des réalités économiques...

  Votre frère et vous avaient eu la chance de vivre tous les deux une carrière professionnelle. Votre entourage familial le laissait-il présager ?

  Dans les gènes ? Non. Mon père jouait au rugby. Nous habitions Mazamet et n’avions pas le droit de sortir au-delà du bout de la rue. Le bout de la rue justement était une place où se donnaient rendez-vous les membres de l’école de cyclisme. Nous allions les voir. J’ai eu envie de faire du vélo. Mon frère aussi. Mais, pour mes parents issus d’un milieu ouvrier, ce n’était pas aisé. Matériel et déplacements coûtaient cher. Croyez-moi, avec l’éducation que l’on a reçue, on n’avait pas le droit d’abandonner. A 17 ans, j’ai arrêté mes études avec un BEP d’électromécanicien. Je ne voulais faire que du vélo. Je me souviens, ma mère m’a donné une année d’essai. Si je n’avais pas réussi, l’usine de mon père embauchait... C’est là que je suis vraiment devenu compétiteur.

  Auriez-vous roulé contre votre frère si des consignes d’équipe vous l’avaient imposé ?

  Sûrement pas ! Et on ne me l’aurait jamais demandé, sûr de la réponse que j’aurais donnée. Bien que nous étions dans des équipes différentes, nous nous sommes même parfois aidés. Mon frère Nicolas et moi nous sommes toujours bien entendus. Il est mon premier supporter. Aujourd’hui encore. Et réciproquement. Lui aussi s’est recyclé dans la course à pied. Mais plutôt côté trail. Cet été, il a participé à l’UTMB. J’ai suivi sa course check point après check point. Dans la vie, un frère reste un frère. Je me contre balance de ce qu’attendraient des gens qui m’inviteraient à aller contre lui.

............... Interview dim 15 sept 2013 : Brice de Singo pour Velovelo ...............

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