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 ---> Maladies du Voyage (B)


 Partie B : L’hépatite : prévention, diagnostic... Avec Thierry Poynard, professeur, chef du service hépato-gastro-entérologie, Inserm, hôpital Pitié-Salpêtrière.

« Lorsque l’on s’intéresse à l’histoire des hépatites, cela remonte à environ 5000 ans... Déjà, la civilisation sumérienne avait l’habitude de dessiner des foies surs des galettes d’argile. Les puissants de l’époque étaient ceux qui pouvaient prédire l’avenir dans le foie. Il y avait une science qui s’appelait « l’ hépatoscopie », qui n’a rien à voir avec les coloscopies ou l’endoscopie. Il s’agissait de lire dans le foie des êtres que l’on tuait, des animaux le plus souvent. Le foie avait une importance colossale. Beaucoup de ces civilisations gardent d’ailleurs de nos jours, cette vision qu’une partie du cerveau est dans le foie. Cela plaît évidemment beaucoup aux spécialistes du foie : les hépatologues. »

 Combien compte-t-on d’hépatites ? Réponse de Thierry Poynard

Les hépatites c’est un peu comme les lettres de l’alphabet. Et, je n’aurais sûrement pas le temps d’aller de l’hépatite A à l ‘hépatite G ... Je vais uniquement vous parler des principales, celles que vous pouvez attraper au cours d’un voyage.

L’hépatite A fait partie des hépatites les plus anciennes. C’est une hépatite très brutale. Il y a une réaction immune, c’est-à-dire que le corps rejette profondément ce virus qui est très agressif. Du coup, cela donne quelque chose qui guérit pratiquement dans 100 % des cas. Quelquefois cela met plusieurs mois, quelquefois c’est inapparent, mais en moyenne il y a une réaction brutale. L’immunité de l’homme est donc adaptée à rejeter l’hépatite A.

Ceci est particulier à l’hépatite A ainsi qu’à sa cousine l’hépatite E. C’est transmis par l’eau et cela donne des maladies brutales qui guérissent sans donner de maladies chroniques.
Beaucoup plus sournoises et plus dangereuses sont l’hépatite B et C.

L’hépatite D c’est le « coucou » des hépatites, car ce virus-là a besoin pour se développer d’exister dans l’hépatite B. C’est beaucoup plus rare, mais c’est très curieux parce que c’est une forme de virus parasite qui tout seul ne peut pas survivre. Il a besoin de l’hépatite B et donc sa prévention passe par celle de l’hépatite B.

On passe maintenant à la dernière qui est la G. Au début on a cru que le virus G, parce qu’il peut être transmis par les transfusions, était toxique pour le foie. L’accumulation des données depuis sa découverte a montré que ce virus n’avait aucune toxicité pour le foie. En fait, c’est un virus qui n’est absolument pas nocif. Il vient même d’y avoir des résultats qui montrent que chez les personnes infectées par le VIH (Sida), le virus G semble freiner l’histoire naturelle de la maladie. Plusieurs publications ont montré que finalement c’est un bon virus.

La nouvelle notion c’est que nous ne sommes pas « pures » pour les virus. Bien sûr avec un virus très dangereux qui a sauté d’une espèce à une autre, des macaques, du singe vert ou le SRAS récemment sur l’être humain, il y a une phase où il fait des ravages. Cependant des milliers d’années après, il co-évolue avec les survivants. Cette notion est très importante.
Pour les virus des hépatites, on a eu une espèce d’alarme générale qui a été augmentée par la crainte de transmettre par les transfusions. La France est particulièrement sensible à cela. On a donc un système un peu trop alarmiste. Pour le virus G, on a commencé par dire lorsqu’on l’a trouvé, qu’il fallait interdire les dons du de sang chez tous les sujets qui étaient séropositifs. Aujourd’hui on a fait marche arrière, plus personne ne parle de cela, puisque c’est un virus plutôt sympathique qui diminue semble-t-il la toxicité du virus VIH.

 Quels sont les facteurs de risque ? Réponse de Thierry Poynard

Les facteurs de risque sont bien identifiés, mais quand on fait la liste cela commence à faire beaucoup ! Les voyageurs, les professions à risque, c’est-à-dire en fait toutes les personnes qui sont en contact avec l’eau et avec les selles, par exemple les éboueurs, les gens qui travaillent dans les toilettes. Les homosexuels, non parce qu’ils sont homosexuels, bien entendu, il n’y a pas d’étiquette, mais ce sont les pratiques sexuelles (je ne vous fais pas de dessin) qui peuvent être aussi partagées par des hétérosexuels. Les toxicomanes sont également à risque tout comme les polytransfusés, car vous avez une phase très courte de passage de l’hépatite A dans le sang. Et quand vous n’avez pas de chance ou que vous êtes très exposé au sang, vous pouvez de temps en temps attraper le virus de l’hépatite A, notamment chez les gens comme les hémophiles qui avaient beaucoup de fractions extraites, on pouvait avoir des cas. Pour l’entourage des personnes qui ont fait une hépatite A, évidemment le vaccin est très efficace donc il ne faut pas s’en priver. Enfin les militaires, comme ils sont grands voyageurs dans les pays « ex-coloniaux » si je puis m’exprimer ainsi ... Ce sont eux qui actuellement ont la plus grande connaissance et le plus d’archives sur ces pathologies du voyageur pour ce qui est transmis comme l’hépatite A ou E...

 Toutes les hépatites ont-elles les mêmes signes cliniques ? Réponse de Thierry Poynard

Non. Avec l’hépatite A qui est très brutale ou l’hépatite E, on est jaune et l’on guérit. L’hépatite C est la plus sournoise de toutes. 80 % des gens qui attrapent l’hépatite C n’ont aucun signe. Ils ne sont pas jaunes, ils n’ont pas de grande fatigue, cela passe totalement inaperçu. Lorsque l’on attrape l’hépatite C, 80 % des gens vont faire une forme chronique et 20 % guérissent. Comme par hasard, ceux qui guérissent sont ceux qui font une hépatite très violente, avec jaunisse et des transaminases qui montent à 1500, etc. On a donc une réaction immunitaire chez quelques personnes, mais globalement c’est la plus sournoise et la plus asymptomatique. Cela peut se révéler avec le temps ... Nous découvrons des hépatites 60 ans après l’infection, sur des gens qui viennent mourir d’une hémorragie digestive ou d’un cancer du foie, et ils n’ont eu aucun signe avant cette complication. Au total 1 % d’entre nous sommes porteurs de l’hépatite C.

 Comment attrape-t-on l’hépatite au cours d’un voyage ? Réponse de Thierry Poynard

Le danger du voyage c’est quelquefois d’aller dans un restaurant où les cuisiniers ne se lavent pas les mains. C’est d’aller dans un restaurant où ils ne se lavent pas les mains et où ils manipulent des fruits de mer, car là vous avez deux facteurs de risques ! Le fait est, que lorsque vous attrapez l’hépatite A le réservoir est humain. Cela se déverse dans la bile, qui elle-même se déverse dans l’intestin, qui lui-même se déverse aux toilettes... Il faut être propre sinon vous attrapez des virus de quelqu’un qui est porteur dans les mains...

Comment l’homme devient « réservoir » ? Eh bien parce qu’un certain nombre d’animaux que l’on mange comme les huîtres ou les moules vivent la bouche ouverte, donc si l’eau à Quiberon, à l’endroit où il y a des huîtres, est située à côté d’une sortie de toilettes, vous imaginez bien que, l’huître bouche ouverte vont accumuler un certain nombre de produits dérivant de l’hygiène ou de la mauvaise hygiène et peut vous infecter avec ces produits-là. Bien entendu, les gens qui respectent de mettre les cultures d’huîtres ou de moules très loin des déjections de l’hygiène publique et dans les restaurants où les gens se lavent les mains, il y a une rupture immédiate de ce cycle.

La prévention passe donc, pour les virus transmis par l’eau comme l’hépatite A ou E, par l’hygiène de base. Le lavage des mains est une précaution essentielle contre les hépatites transmises par l’eau. On n’a pas besoin de vaccin, on n’a pas besoin d’antiviraux, il suffit de respecter cette hygiène.

Lorsque que l’on regarde le monde, par rapport à la fréquence des hépatites A, on s’aperçoit qu’il y a des disparités extrêmement importantes. En général c’est corrélé à l’état d’hygiène des populations. Plus un pays est pauvre, moins il a les moyens de faire correctement les adductions d’eau et traiter l’eau, plus vous avez un marqueur de l’hépatite A présent. Dans les pays à hygiène plus élevée comme la France ou les Etats-Unis, la prévalence est très basse. C’est une maladie qui frappe chez nous les gens non vaccinés qui sortent de pays où il n’y a pas de contact, et qui vont se balader dans les pays dits exotiques, et à ce moment-là ils sont en contact avec le virus. On voit très bien comment cela évolue en fonction de l’hygiène, cela déplace complètement la fréquence des virus. On fait donc disparaître ces virus-là par l’hygiène de l’eau. Donc Virus A virus E c’est pareil. Ils sont transmis par l’eau et cela donne des hépatites aiguës qui guérissent spontanément, on n’a pas besoin de traitement. On s’en protège très bien par l’hygiène et les vaccins. Le vaccin de l’hépatite E est presque sur le marché, mais pour des raisons malheureusement de rentabilité, comme les pays infestés par le virus E sont les plus pauvres, il n’a pas le même développement qu’il aurait, si cela avait été dans des pays riches où l’hépatite E était fréquente...
 
 Quel est le véritable danger de l’hépatite ? Réponse de Thierry Poynard

Lorsque l’on parle des hépatites le véritable danger ce n’est pas l’hépatite aiguë. Le véritable danger c’est l’hépatite chronique.

Quand vous regardez dans un pays comme la France, combien de gens meurent de maladies du foie, en gros il y a à peu près 15 000 morts par an. Sur ces 15 000 morts, 14 950 sont liés à des maladies chroniques comme la cirrhose et vous avez 50 hépatites fulminantes. Ce sont des gens qui arrivent à l’hôpital parce que les examens sont un peu jaunes. Ils viennent dans les services spécialisés debout sur leurs pieds, conscients et en 4 heures ils peuvent mourir, s’ils ne sont pas transplantés en urgence. C’est une situation absolument dramatique qui arrive le plus souvent pour des hépatites B ou des hépatites inclassables. Cela n’arrive que très rarement dans l’hépatite A et jamais dans l’hépatite C. Vous voyez que l’on a donc 50 malades qui meurent d’un côté et de l’autre 15 000 pour les maladies chroniques.

Pourquoi est-ce dangereux ? Lorsque vous avez une maladie chronique du foie qu’elle soit liée à un virus, qu’elle soit liée à l’alcool, à une surcharge en fer, au diabète ou à certaines maladies métaboliques qui engorgent le foie par de la graisse, cela donne des cicatrices et c’est ce que l’on appelle la cirrhose. Quand ces cicatrices deviennent extrêmement nombreuses le foie ne fait plus son travail. Quelles sont ses fonctions ? Tout d’abord le foie a une fonction de garde-manger : tout ce que vous avez capté comme énergie au cours de vos excellents repas est stockée sous forme de glycogène et de graisse dans le foie. Et, quand vous allez courir un marathon par exemple, le foie re-débite à partir du glycogène les petits bouts de sucre dont vous avez besoin. Il maintient l’équilibre entre le métabolisme du sucre et des graisses. Sa deuxième fonction essentielle, c’est le filtre. Quand vous avez le foie malade, il ne remplit plus sa fonction de filtre. Il y a des substances qui viennent du tube digestif ou qui sont produites dans le sang qui vont embrumer le cerveau et provoquer ce que l’on appelle l’encéphalopathie. Les gens font du délire, de l’agitation, qui sont le résultat de l’absence de fonctionnement du filtre. Donc, si le foie ne joue plus le rôle de garde-manger, ni celui de filtre, cela devient mortel. De plus quand le foie marche plus, parce qu’il n’y a plus que des cicatrices, il n’y a plus de cellules qui travaillent, on a ce que l’on appelle une hypertension portale, parce que le sang qui traverse normalement le foie rose tel que vous le voyez chez votre boucher, allégrement, lorsque vous avez une cirrhose cela devient très dur. Le sang qui arrive des grosses veines qui amènent le sang du tube digestif, fait demi-tour et prend des itinéraires bis qui ne sont pas faits pour ce débit-là. Cela provoque des varices comme celles que l’on peut avoir sur les jambes mais au niveau de l’œsophage. Quand la pression monte au niveau de l’œsophage, ces varices explosent. Ce qui donne un autre tiers de la mortalité par cirrhose.

Il y a donc un tiers qui meurt par insuffisance de fonctionnement du foie, un tiers par hémorragie digestive et le dernier dû au cancer primitif du foie qui survient dans 99,5 % des cas sur des sujets atteints de cirrhose. La prévention de la mortalité par maladies du foie, c’est donc de prévenir la cirrhose. D’où ce concept très important, qui est de prévenir le plus tôt possible, de dépister le plus tôt possible ces maladies-là. On est quand même là, dans des maladies qui tuent le plus au monde puisque l’on est dans les dix premiers !

Actuellement la bagarre des médecins, c’est de voir que l’on a une maladie « fibrosante » comme l’hépatite C ou B, où au début on n’a pas de fibrose et puis cela apparaît progressivement (cela met en général des dizaines d’années, pour l’hépatite C c’est 30 ans pour constituer en moyenne une cirrhose), donc il faut détecter les gens au stade où il n’y a pas du tout de fibrose ou un peu, avant que l’on atteigne des stades élevés. Là on fait du bon boulot parce que l’on évite cette mortalité et cette morbidité.

Sans faire des choses compliquées, il y a des modélisations qui permettent de repérer dans les maladies du foie à quelle vitesse, en fonction de l’âge, on progresse vers la cirrhose.
Il y a une maladie qui est extrêmement dangereuse, qui est la plus rapide, c’est la co-infection entre l’hépatite C et le virus du Sida. C’est la forme actuellement la plus dangereuse de maladie chronique du foie qui existe. Les malades que l’on voit mourir aujourd’hui dans nos hôpitaux, qui ont moins de 40 ans, d’une cirrhose, ce sont des gens généralement qui sont co-infectés par le virus C et le virus du Sida. Il est très important de commencer à traiter de plus en plus tôt ces sujets-là. Il ne faut pas attendre que l’on ait besoin de traiter le Sida, on traite avant, pour essayer de se débarrasser de l’hépatite pour ne pas compliquer davantage. Quand vous avez déjà 4 produits pour traiter le Sida, si vous devez rajouter les deux produits pour l’hépatite C, cela devient insupportable. Heureusement il y a un tel progrès dans la prise en charge du VIH, que l’on peut maintenant transplanter ces hépatites. Nous avons déjà transplanté plusieurs personnes contaminées par le virus C. Nous avons même déjà transplanté un premier patient qui avait une hépatite B et le VIH.

 Quelle est la prévalence de l’hépatite C ? Réponse de Thierry Poynard

L’hépatite C, c’est 180 millions de personnes dans le monde. Là aussi, il y a des différences très importantes. Dans les pays nordiques, on a une prévalence de moins de 1 %. La France a une prévalence de un peu plus de 1 %, et vous avez des zones dans le monde où vous avez des prévalences très très importantes. La plus proche de nous c’est l’Egypte avec 20 % de la population qui est contaminée par le virus de l’hépatite C. Pourquoi ? C’est une cruauté de l’histoire de la médecine... En fait, les Égyptiens ont cette fréquence de virus, parce qu’il y a eu des campagnes massives pour lutter contre un autre germe, un parasite qui s’appelle la schistosomiase, avec des produits injectés en intramusculaire. Il y a donc eu dans les années 70 des colonnes de gens injectés dans les fesses avec des intramusculaires qui n’étaient pas suffisamment nettoyées et changées entre les patients. Cela a donné une catastrophe en termes de transmission de l’hépatite C. On retrouve comme cela des causes qui sont toujours liées à l’exposition au sang.

On observe de multiples facteurs de risque, qui font que par certaines traditions, il y a des pays qui ont une hygiène différente des autres et qui ne vont pas du tout avoir les mêmes facteurs de risque. Au Japon une des grandes périodes d’infection, ce fut la guerre. Il y a eu énormément d’injections d’amphétamines et de stimulants violents, non seulement pour les kamikazes mais également pour les femmes qui travaillaient pour l’armée, et cette espèce de folie d’injections d’amphétamines a transmis massivement l’hépatite C aux populations japonaises.

Le résumé pour l’hépatite C est simple : c’est la transmission par le sang. La transmission sexuelle est exceptionnelle. La transmission mère-enfant est inférieure à 2 ou 3 %. Donc, la seule transmission importante c’est l’exposition au sang. Comme aujourd’hui pour les transfusions sanguines on dépiste tout le monde, il n’y a plus de transmissions. Le gros réservoir c’est le manque d’hygiène de tous les gens qui manipulent quelque chose qui peut perforer les muqueuses ou la peau. Évidemment la toxicomanie intraveineuse est une des grandes causes.

La gestion de l’hépatite C, (en France on a 600 000 personnes qui ont des anticorps positifs) est très variable car vous avez un tiers des gens qui peuvent avoir une progression très lente, voire jamais, donc ne jamais faire de cirrhose. On ne les traite pas tout de suite, on a le temps. Mais avec le temps cela peut s’accélérer, donc on les surveille. Pour une partie intermédiaire (30 %), c’est la moyenne, la cirrhose va se constituer sur 30 ans. Enfin une partie très rapide...

L’inertie de cette maladie est telle, que l’on est très lent pour obtenir des résultats. Quand on considère la cohorte de gens infectés par le VIH en 2000, on voit que grâce aux tri-thérapies la mortalité a chuté. Et, l’on est dans le paradoxe français, c’est-à-dire que le VIH est une maladie que l’on dépiste bien mieux que l’hépatite C, que l’on traite bien mieux, et qui du coup tue moins en France actuellement, 1000 personnes, alors que le virus de l’hépatite en tue 4000. Dans l’hépatite C on est donc dans l’inverse : on a des traitements très efficaces, mais, on ne dépiste personne et l’on ne traite personne. On est seulement à 10 % des gens traités alors que dans le Sida on dépiste plus de 80 % des gens et l’on en traite 80 %. Il y a donc vraiment un effort gigantesque d’information et de prévention à faire pour l’hépatite C.

 Quels sont les traitements pour l’hépatite C ? Réponse de Thierry Poynard

On a fait des progrès ces dix dernières années incroyables ! On ne pouvait pas prédire que l’on serait aussi efficace. Avant, on avait moins de 1 % d’amélioration spontanée lorsque l’on n’avait pas de traitement. Ces dix dernières années : voilà ce que l’on a obtenu (il y a six familles dans le virus C et certaines sont plus faciles à traiter que d’autres), quand on est dans les bons génotypes du virus C, on est maintenant à près de 90 % de guérison par la combinaison de l’interféron pégylé, l’interféron retard, et la Ribavirine, Pour les génotypes qui sont plus difficiles qui sont les plus fréquents, on est aux alentours de 50% . C’est donc un progrès colossal en termes de guérison.

Autre message très important : on s’est aperçu que si l’on dépistait les cirrhotiques très tôt on parvenait à faire régresser la cirrhose. Sur 153 patients atteints de l’hépatite C, où l’on a fait des investigations du foie systématique, où donc on a pu dépister très tôt la cirrhose, chez 49 %, six mois après le traitement, la cirrhose avait disparu à la deuxième biopsie. Pour nous dans le domaine des maladies du foie, cela a été un coup de tonnerre sympathique de voir que l’on pouvait régresser.

Le deuxième espoir très récent, chez des gens qui étaient résistants aux deux traitements qui constituent actuellement la base du traitement de l’hépatite C, l’interféron et la Ribavirine, c’est de donner un produit qui s’appelle le Biln2061 (le nom est un peu barbare, ce sont des antiprotéases). La construction de médicament n’était pas encore achevée, mais en donnant ce produit-là pendant deux jours matin et soir, on a obtenu une réduction par 1000 ! Quand vous voyez que vous passez de 10 millions de virus à 1000 virus, il n’y a pas besoin de faire compliqué...

Malheureusement quand on voit cela, on se dit mais pourquoi il y a encore des gens qui meurent de l’hépatite C... Eh bien, parce que c’est un essai encore très initial où l’on regarde ce que cela fait sur le virus certes, mais où l’on n’a pas d’idée sur la toxicité réelle de ce produit administré plus longtemps. Les essais sont en cours et j’espère que dans les prochains mois ou les prochaines années on va passer de 60 % de guérison à proche de 100 % !

 Quelles sont les spécificités de l’hépatite ? Réponse de Thierry Poynard

L’hépatite B, c’est le virus que l’on connaît le mieux actuellement parmi les hépatites. Il a plusieurs qualités qui ont permis de l’étudier. Sans entrer dans le détail, en gros, il est curieux parce qu’à l’intérieur de l’organisme, il produit, soit un virus complet avec son enveloppe, son intérieur, tout son système énergétique pour se reproduire, soit une enveloppe vide qui s’appelle l’antigène de surface. Cette dernière est une espèce de particule extrêmement immunogène qui a permis de faire très facilement le « célèbre vaccin », grâce à cette structure qui provoque des anticorps protecteurs sans avoir le risque de donner les particules affectantes du virus puisqu’il est vide. C’est l’une des particularités de ce virus B.

Voilà la prévalence de l’hépatite B dans le monde : on voit qu’il y a des différences colossales entre la fréquence de ce virus. On a des régions comme la Chine, l’Afrique centrale ou l’Afrique du Sud, où il y a des zones qui sont supérieures à 10 %, il y a même des zones où l’on est à 20 à 30 %. L’un phénomène que beaucoup de gens ne connaissent pas très bien, c’est que la majorité de la transmission se fait de la mère à l’enfant. Lorsque l’on attrape le virus dans la période que l’on appelle périnatale, c’est-à-dire pas seulement l’accouchement mais aussi les premières années de la vie avec sa mère, on garde le virus dans plus de 80 % des cas. Alors que, si vous l’attrapez à l’âge adulte (pour une petite faiblesse sexuelle) vous allez simplement avoir moins de 10 chances sur 100, 5 chances sur 100, d’attraper le virus de façon chronique. Vous allez vous en débarrasser. Le nouveau né, le nourrisson, l’enfant avant 5 ans, a une espèce de tolérance vis-à-vis du virus de l’hépatite B qui donne finalement beaucoup d’hépatites chroniques. C’est donc une maladie totalement différente par sa transmission lorsque vous l’attrapez avant 5 ans. Après, cela bouge très vite on a une forme de rejet par le système immunitaire. C’est très important, parce que les pays qui n’ont pas les systèmes pour avoir la vaccination ou les immunoglobulines spécifiques pour se protéger de la transmission du virus B de la mère à l’enfant, telle la Chine ou l’Afrique noire, entretiennent un « réservoir », car c’est justement cette transmission très jeune qui donne le taux le plus important (80 %) d’infections chroniques. Tant que l’on n’aura pas résolu ce problème dans les pays dits pauvres, ce sera un réservoir pour les pays riches avec la multiplication des voyages. La politique intelligente serait de dire : on n’est pas seul dans un réservoir clos, on est à l’intérieur d’un monde et si on ne s’occupe pas de cela, cela va nous retomber sur la tête !

Pour résumer l’épidémiologie :
 1) transmission du virus B mère-enfant, c’est ça le grand réservoir, avec l’idée qu’en plus c’est une transmission chronique ;
 2) c’est extrêmement transmissible sexuellement, donc cela fait partie d’un risque et c’est pourquoi nous sommes consternés actuellement par le manque de vaccination du nouveau-né en France, parce que l’on a une couverture vaccinale du nourrisson qui est de 30% ,( un pays comme le Maroc est au-dessus de 80 %), donc il faut de l’information ;
 3) le troisième risque de transmission de l’hépatite B, c’est l’exposition au sang. C’est un terme générique qui comprend les gens à la période où l’on ne dépistait pas dans les transfusions où il y avait des transmissions massives, maintenant que l’on dépiste tous ces virus-là il n’y a plus ce genre d’exposition, par contre il y a la toxicomanie par intraveineuse et toutes les pratiques où l’on ne respecte pas l’hygiène de ce qui peut être contaminé par le sang. C’est valable pour le toxicomane intraveineux, mais aussi pour le dentiste qui fait n’importe quoi, pour l’endoscopiste, l’énumération est infinie...On en revient à « l’hygiène » de tous les gens qui travaillent avec des seringues, des aiguilles, des sclérosants de varices, acuponcture, avec tout ce que l’on met sous la peau, sous les muqueuses, et qui perfore ces protections. Si vous ne changez pas le matériel, si vous ne respectez pas l’hygiène, vous pouvez transmettre des virus comme celui de l’hépatite B ou C. Ce sont des règles professionnelles à respecter.

La détection du virus de l’hépatite B a fait des progrès considérables. Au début on était capable par la recherche directe du virus de détecter 10 ou 100millions de virus par millilitre de sang. Aujourd’hui on a des techniques qui détectent 200 particules virales par millilitre de sang. Cela change beaucoup les critères de jugement.

 Les traitements sont-ils différents pour l’hépatite ? Réponse de Thierry Poynard

La connaissance de la structure et des tendons d’Achille du virus ont permis des progrès considérables dans la fabrication des nouveaux traitements. Actuellement on a trois traitements qui sont sur le marché pour l’hépatite B : l’interféron qui est une vieille molécule, Lavimudine et maintenant un autre produit qui s’appelle l’Adefovir. Ce qui est extraordinaire avec ces nucléosidiques, c’est des petites substances qui bloquent une fonction vitale d’un virus, c’est pareil pour les traitements du VIH. Et, vous avez une différence sur certains de ces produits, où l’on voit très bien la façon dont il bloque le phénomène de fonctionnement des enzymes. Quand vous avez été infecté par un virus, vous avez en fait des milliers de virus différents, cousins, cousines, du virus, qui sont un peu différents, et les tendons d’Achille ne sont pas les mêmes. Quand vous avez des molécules qui tapent sur 95 % des tendons d’Achille mais en laisse 5 % sur lesquels ça ne fait rien, les 95 % disparaissent mais les 5 % qui ont le tendon d’Achille résistant vont prendre toute la place laissée libre par les autres. C’est ce que l’on appelle un mutant. La conception dans l’espace, la connaissance de ces protéines dans l’espace vous permet de voir par exemple, que la nouvelle molécule mise sur le marché, l’Adefovir, était beaucoup mieux insérée et avait moins de tendons d’Achille et n’était pas vulnérable aux mutants comme ceux qui étaient constatés dans 10 à 20 % des cas chaque année avec le traitement précédent. Les progrès de conception de ces médicaments-là sont donc extraordinairement importants.

 Faut-il systématiser le dépistage de l’hépatite C ? Réponse de Thierry Poynard

Chez toute personne à partir de l’âge de 50 ans, je suis pour un dépistage de masse. Maintenant, on sait très bien que les facteurs de risque c’est la mauvaise hygiène des médicaux et paramédicaux ou les tatoueurs, le piercing, toutes ces choses-là... Donc on a identifié ces facteurs de risque. Quand vous avez 50 ans et que vous avez eu plusieurs interventions dentaires, plusieurs interventions chirurgicales, plusieurs hospitalisations, même si on ne vous a pas transfusé, il y a un risque. Il faut donc au moins faire une fois un dépistage. Par contre, il ne faut pas tomber dans l’anxiété et se refaire tous les six mois la sérologie de l’hépatite C. Une fois suffit. Il faut gérer en fonction des facteurs de risque.

 En quoi la prise en charge de l’hépatite pose-t-elle problème ? Réponse de Thierry Poynard

Comment peut-on s’en sortir dans la démarche d’information pour mieux prendre en charge l’hépatite ? Un des problème est que l’on a en France, 600 000 contaminés, 4000 morts par an, cela augmente, et que l’on n’en détecte que 50 %, et l’on n’en traite que 5% . C’est aberrant que l’on soit dans ce contraste ! Une des explications, c’est que les patients refusent la biopsie du foie. On s’aperçoit qu’en France, en dépit de ce qui est dit dans les conférences de consensus, où l’on dit : il faut faire une biopsie du foieà tousles sujets qui ont le virus de l’hépatite C et si on ne traite pas tout de suite, tous les 4 ans il faut refaire une biopsie du foie, si on appliquait cela, il faudrait faire 170 000 biopsies du foie à peu près par an. Or, on en fait en France, toutes maladies du foie confondues, 16 000. Si on admet que la moitié sont faites pour l’hépatite C, cela ne fait que 8000. 8000 sur 170 000 cela fait 5 % ! Donc les grands experts, à la fin des conférences, donnent des conclusions qui sont totalement inapplicables. C’est comme si l’on devait traiter le diabète en faisant des biopsies du pancréas. Évidemment que les gens ont peur des biopsies ! Lorsqu’il y a eu une enquête dans la France profonde, on s’est aperçu auprès de 1000 patients qui étaient infectés par le virus C que 59 patients refusaient la biopsie. Et 22 % des généralistes leur donnaient raison Donc, si on laisse au début comme entonnoir de la prescription des médicaments, la biopsie, on ne va jamais y arriver. C’est pour cela que je voulais vous présenter une amélioration que nous avons réalisée, sous brevet de l’assistance publique. Nous avons mis au point des tests, qui, par une prise de sang, permettent d’être une alternative, non agressive, à la biopsie du foie. Les gens maintenant par une prise de sang, ont l’équivalent de la biopsie du foie en quelques jours. Ce « fibrotest » n’est pas encore totalement remboursé. La demande en nomenclature est faite , et j’espère bien que cela va aller vite, pour que l’on ait le remboursement total alors qu’actuellement on a 40 euros sur les 90 euros.

 Quelle est votre position au sujet du vaccin contre l’hépatite B ? Réponse de Thierry Poynard

Bien entendu, il y a une controverse majeure qui est franco-française essentiellement, sur les toxicités du vaccin de l’hépatite B. C’est un domaine passionnel. De la même façon que l’on a une incertitude sur la toxicité des médicaments (on est toujours surpris sur la « possibilité » que l’on a d’avoir des effets néfastes), c’est pareil pour les vaccins. Un vaccin peut être toxique. Il n’y a pas de raison d’exclure a priori une possibilité de toxicité. On est dans un choix de bénéfice/risque.

Voilà ce qui est officiel et qui est intégré maintenant dans le calendrier vaccinal où l’on conseille de faire une vaccination à 0, 1 et 6 mois. On s’aperçoit que le vaccin protège très longtemps, donc on n’a pas besoin de faire des injections de rappel très tard. Le mieux est d’insérer la vaccination de l’hépatite B chez le nourrisson, parce que la sclérose en plaque ou les maladies immunologiques n’existent pas chez le nourrisson. Le système immunitaire est extrêmement tolérant, donc on n’a pas ce risque possible d’exacerber une maladie auto-immune chez quelqu’un qui est programmé pour cela, par un vaccin qui peut entraîner une stimulation immunitaire néfaste. Chez le nourrisson, cela n’existe pas.

À la pitié Salpêtrière, les premiers cas de suspicion de sclérose en plaques liés au vaccin, c’est le bâtiment en face du mien, évidemment nos neurologues ne sont pas nos meilleurs amis sur le sujet, mais on en parle... Et, ils sont tout à fait d’accord pour dire que, chez le nourrisson, il n’y a aucune raison de se méfier. Autant il est « débile » d’obliger, pour des raisons économiques propres aux industriels qui fabriquent le vaccin, de vacciner une personne de 82 ans qui est toujours fidèle à sa charmante épouse, qui n’a pas envie de partir en Thaïlande vivre des soirées chaudes. Il faut évidemment faire des vaccinations chez ceux qui en ont besoin. Le vrai message c’est : votre enfant lorsqu’il va arriver à l’âge de la puberté et qu’il va tomber fou amoureux d’une très belle chinoise, il va se « contrefoutre » royalement des précautions que vous pourrez lui suggérer, et il va peut-être perdre les pédales et se retrouver avec une infection par le virus de l’hépatite B. Donc je trouve, qu’il est important de prendre la décision très tôt. Quand on considère les études (il y en a 8 qui ont été faites) où l’on a regardé le risque chez des sujets vaccinés, 134 000 personnes, cela fait beaucoup, on a retrouvé effectivement que ces personnes par rapport à des témoins avaient un risque à 1, 6 (quand il n’y a aucun risque c’est : 1), ce n’est pas énorme, mais c’est significatif. On a la prudence de dire que l’on ne peut jamais exclure un tout petit risque. À ce moment-là qu’est-ce que l’on dit scientifiquement lorsque l’on veut expliquer le problème à un ministre, on lui dit : si en France on considère la pire des hypothèses c’est-à-dire que ce petit risque de 1, 6 par rapport à 1 existe vraiment et que l’on n’a pas pu vraiment le mettre en évidence par des essais sur des millions de personnes, on dit voilà : une génération de français c’est 800 000 enfants, si on vaccine 800 000 enfants de l’âge de 11 ans, et si on prend ce petit risque de 0,24 sur 100 000, on va avoir 1,9 cas, pas de morts, mais de poussées d’une maladie comme la sclérose en plaques. Donc, on admet que peut-être il y a ce risque-là. Par contre, il faut admettre aussi ce que l’on connaît, à savoir que les gens qui viennent mourir dans nos hôpitaux d’une hépatite B ce n’est pas de la fiction, et donc pour ces 800 000 enfants, on va avoir 3 hépatites fulminantes, 60 à 150 hépatites chroniques, et 12 à 30 cancers du foie, si on ne fait pas la protection. C’est ce que je dis à mes patients. C’est comme si vous prenez un principe de précaution, cela ne veut rien dire, ce n’est pas un principe de précaution c’est la comparaison de deux risques. Qu’est-ce que vous choisissiez pour votre enfant ? Vous partez un week-end où il pleut avec votre voiture. Votre enfant peut effectivement se pendre à la ceinture, c’est rare, mais cela peut arriver. C’est un risque que l’on peut chiffrer à 2, tandis que le risque de se tuer si vous avez un accident et qu’il n’a pas mis sa ceinture est de 75. Alors vous lui mettez sa ceinture ou vous ne lui mettez pas sa ceinture ? Eh bien c’est pareil quand on décide de vacciner ou pas son nourrisson... Ce sont deux risques. Dans la vie, c’est toujours comme ça. Il faut que l’on choisisse entre deux risques. Cette façon d’exposer les choses en termes de deux risques est plus importante que de dire : d’un côté avec des œillères, c’est impossible qu’il y ait une complication, ou d’un autre côté de dire c’est impossible de vacciner les gens parce que c’est contre mon principe de la liberté. On a tous une responsabilité quand il y a un enfant. On est obligé de prendre des décisions comme pour la ceinture de sécurité

 Nota : Conférence du 8 juin 2003 : texte copié sur site http://www.cite-sciences.fr

 
 

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