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 ---> Maladies du Voyage (C)

Partie C : Les maladies bactériennes et virales Avec Olivier Bouchaud, responsable du Centre de médecine tropicale, hôpital Avicenne - Christine Sadorge, responsable du centre de recherche vaccinale et biomédicale, Institut Pasteur - Pierre Buffet, directeur du centre médical, Institut Pasteur. Conférence du 8 juin 2003.

 La récente épidémie de pneumopathie atypique (SRAS) nous montre notre vulnérabilité face aux virus. Elle nous rappelle surtout que les maladies infectieuses continuent de faire des millions de victimes chaque année (17M). Certaines redoublent de virulence. C’est le cas de la dengue désormais endémique dans plus de 100 pays contre 9 avant 1970. Les agents infectieux opposent une résistance aux antibiotiques. Les voyages permettent aux microbes de se répandre.
Le voyageur des pays industrialisés qui bénéficie de traitements préventifs et reste moins exposé doit néanmoins prendre des précautions. Quelles sont les recommandations en matière de vaccination ? Que doit-il craindre de ces virus dont on parle tant ? Quels conseils suivre au niveau de l’alimentation ?

 Virus du SRAS (pneumopathie atypique), quels sont les risques aujourd’hui ?
Réponse de Olivier Bouchaud

Vous savez que c’est lié à non pas un nouveau virus mais un virus qui jusqu’à présent ne concernait pas la pathologie humaine qui s’appelle le coronavirus. Corona, tout simplement parce que la forme du virus est un petit peu une forme en couronne. Vous savez que pour la première fois, et c’est quelque chose d’exemplaire, c’est un virus qui a été totalement analysé sous toutes ses coutures en un temps record. En l’espace de deux mois on sait pratiquement tout de ce virus. Vous savez également peut-être, qu’il n’y a finalement que moins de 10 000 cas considérés comme probables de cette maladie-là, avec 725 décès, ce qui représente à peu près 10 % de mortalité. Ce n’est quand même pas considérable, en tout cas moins que l’idée que l’on peut en avoir. Sur les 8200 cas, il y en a 4700 qui sont complètement guéris. Il y en aura évidemment d’autres puisqu’il y en a encore en cours de guérison. Il y a eu 31 pays touchés. Actuellement l’OMS respire. Le gouvernement chinois respire. Il a eu extrêmement peur, il y a quelques mois, face à l’évolution notamment à Pékin. Aujourd’hui le nombre de cas diminue de semaine en semaine. Sur la dernière semaine de mai, il y avait 300 nouveaux cas par semaine, alors que les semaines précédentes c’était de l’ordre de 400 à 450 nouveaux cas. Fin mai Taiwan inquiétait un peu plus parce qu’il y avait de plus en plus de cas, mais aux dernières nouvelles c’est en train de se tasser également.

En termes de nouveauté, il semble que l’on ait identifié la source du virus, qui serait un animal, un petit mammifère, la civette dont les chinois sont très friands. Alors, lorsqu’on regarde de plus près et notamment d’après les informations données par un collègue de l’Institut Pasteur qui revient tout juste de Chine, il n’est pas aussi évident que cela que cet animal soit en cause. Il est vrai que les scientifiques chinois avaient tout intérêt à trouver un coupable. Donc, ne retenons pas comme certains, que cette pauvre civette qui passe régulièrement à la casserole en Chine, soit vraiment le méchant à l’origine de ce virus. Évidemment ce serait tout simple si c’est un animal qui est réservoir du virus. Il suffit d’invoquer l’hypothèse de la mutation, qui est toujours très facile à invoquer pour les virus. Le virus habituellement chez les civettes mute et puis devient comme cela brutalement pathogène chez l‘homme... Ce n’est probablement pas aussi simple que cela. Pour la France, vous voyez que ce n’est quand même pas dramatique.

Quelques points à garder en tête. Globalement c’est malgré tout une maladie peu transmissible. Si vous croisez quelqu’un qui revient de Chine et qui toussote un peu il ne faut pas paniquer. Il y a évidemment ces cas de super transmetteurs. Pour le moment leur histoire n’est pas très claire (une personne aurait contaminé 60 personnes, et une autre jusqu’à 120 personnes). Il est extrêmement difficile de savoir quelles sont les personnes qu’un patient indexe a pu contaminer, donc ces chiffres sont parfois un peu fantaisistes. Et de toute façon cela reste relativement anecdotique.

Deuxième notion qui a été annoncée comme claire et qui l’est de moins en moins, c’est le fait que des personnes ne présentant aucun signe de la maladie ne transmettent pas la maladie. En fait, on n’en sait rien. Il n’est pas exclu que des gens qui ne manifestent aucun signe ne soient pas transmetteurs. Ce que l’on sait de façon très récente, et c’est quelque chose d’un peu inquiétant, c’est que quelqu’un qui a été malade et qui a guéri peut garder ce virus dans ses selles pendant des semaines (au moins deux mois). Et comme on est encore en cours de suivi, c’est peut-être plus. Comme vous pouvez le deviner, c’est embêtant car quelqu’un redevenu parfaitement sain peut très bien essaimer ce virus à droite et à gauche. Sachant que là, les choses devraient se calmer puisque l’on entre dans la période chaude mais qu’à la prochaine période froide, climat qui convient davantage au virus, des épidémies pourraient redémarrer à partir de ces porteurs sains, si tenté que ce portage puisse durer plusieurs mois.

Pourquoi ce virus a émergé en octobre/novembre derniers, révélé aux yeux du monde en février/mars ? On n’en sait rien. La question sur les porteurs sains, reste bien évidemment posée. Quel va être le mode évolutif de cette épidémie ? Est-ce qu’elle va disparaître définitivement ou ré-émerger périodiquement ? On n’en sait absolument rien. Tout ce que l’on sait c’est que cela a eu un impact considérable sur l’économie de l’Asie avec 40 % de chute des recettes touristiques. Quand on sait que l’industrie du tourisme, on n’est pas conscient de ça, est la première industrie dans le monde, cela représente des millions d’emplois qui ont été détruits à cause de cette épidémie hyper médiatisée.
Mais encore une fois, il faut relativiser les chiffres : 725 décès, peut-être plus car tous ne sont pas comptabilisés, 10 % de mortalité. Si on compare avec la mortalité liée au paludisme qui est de l’ordre de 2 à 3 millions par an, il faut quand même relativiser les choses...

 Et le virus d’Ebola ? Ou encore de la fièvre de Lhassa ? Réponse de Olivier Bouchaud

Tout cela fait partie de ces virus très à la mode, qui excitent beaucoup les chercheurs. Il est vrai que potentiellement ce sont des maladies très inquiétantes, car prises entre des mains, très expertes (parce que ce ne sont pas des choses que n’importe qui pourrait manipuler), et mises dans des petites fusées qui pourraient partir n’importe où, elles pourraient vraiment faire des ravages ...

Ebola, c’est un petit peu comme le SARS ou le SRAS. C’est typiquement une maladie qui fait beaucoup de tapage médiatique mais qui en termes de santé publique a extrêmement peu d’impact. En termes d’épidémiologie il y a des espèces de cycles de résurgence de la fièvre Ebola. Deux années de suite, notamment l’année dernière, il y a eu des résurgences au Congo Brazzaville et au Gabon. Quelques centaines de personnes sont touchées, quelques grosses dizaines de personnes meurent mais sur l’ensemble de la mortalité des maladies tropicales, passez-moi l’expression c’est « peanuts ». Pourtant on en parle beaucoup. Et, l’on oublie de parler des vraies maladies qui tuent. La diarrhée chez les petits enfants dans les pays en développement, qui est la deuxième ou la troisième cause de décès chez les jeunes enfants. On oublie de parler de la rougeole, qui fait des ravages chez les petits enfants dans les pays en développement. On oublie de parler de maladies comme la trypanosomiase africaine qui ne fait pas énormément de décès mais qui en fait quand même pas mal. On la traite avec un médicament dérivé de l’arsenic. Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose. C’est un vieux machin qui date non pas du siècle passé, mais du siècle encore d’avant. Ce n’est donc n’est pas un médicament neuf. Tout cela parce que personne ne s’intéresse à des maladies tropicales qui touchent de toute façon des gens qui ne pourront jamais payer un médicament qui coûterait cher...

Quant à la fièvre de Lhassa, les grandes zones c’est l’Afrique de l’Ouest forestière, le Sierra Leone, le Liberia où il y a régulièrement des bouffées épidémiques. Mais c’est là encore quelque chose si je puis dire de très anecdotique en termes de santé publique.

 Que montre l’étude faite à Pasteur sur les pathologies qui touchent les voyageurs ? Réponse de Christine Sadorge

Cette étude descriptive des maladies du voyageur est un recueil d’informations que l’on a réalisé sur 18 mois en collaboration avec quatre services parisiens : l’hôpital Pitié-Salpêtrière bien connu pour avoir un service de pathologies infectieuses et tropicales, l’Institut Pasteur et l’hôpital Necker où il y a un service de pathologies infectieuses et tropicales également. C’est une étude qui s’est portée sur la place d’une pathologie en émergence, que sont les arboviroses. On a regardé la place de cette infection parmi les autres causes d’infections chez les voyageurs qui reviennent des tropiques.

Les arboviroses sont actuellement un problème de santé publique, pas seulement pour les voyageurs, on verra que finalement pour les voyageurs, c’est relativement mineur.

Ces arboviroses sont des maladies liées à des virus. Il y a plus de 500 espèces de ce virus qui existent, qui ont été répertoriées. Un de ces virus est bien connu, c’est la fièvre jaune. Ce n’est pas celui qui est le plus embêtant pour les voyageurs, puisque la plupart sont vaccinés lorsqu’ils se rendent dans les zones où il y a du risque de fièvre jaune. Il est transmis par la piqûre d’un insecte le moustique. L’arbovirose la plus fréquente, c’est la dengue. Il y a entre 50 et 100 millions de cas estimés par an dans le monde. En gros, c’est une grippe accompagnée parfois d’une irruption cutanée. Il peut y avoir, notamment chez les gens qui vivent dans les pays en voie de développement, des formes hémorragiques, ce qui est moins fréquent chez le voyageur. Ce qui se passe c’est que lorsque l’on attrape cette maladie on peut avoir une fatigue très importante pendant plusieurs mois après l’infection et cela a des conséquences en matière d’absentéisme au travail.

On a donc voulu voir la place de ces arboviroses parmi les fièvres au retour de voyage et dans le même temps analyser les autres causes de fièvre. Pour cela dans les quatre services, on a proposé à toutes personnes qui revenaient avec une fièvre supérieure à 38°de participer à l’étude. Cela consistait à donner du sang, soit un tube de sang supplémentaire à chaque prélèvement. Il y avait maximum deux prélèvements donc ce n’était pas très contraignant.

Ce que l’on a vu c’est que les destinations de voyage c’était surtout l’Afrique et l’Afrique sub-saharienne, pour 70 % des cas, l’Asie pour 18 % des cas, le reste était très minoritaire. Les motifs de voyage : bien entendu, le tourisme pour 45% , mais il y a aussi les affaires et le retour au pays d’origine.

Les symptômes les plus fréquents sont : nausées, frissons, maux de tête, douleurs musculaires et fièvre bien entendu. Ce que l’on a vu c’est que les parasites avaient une place importante : 40 % des cas. Les infections virales et bactériennes représentaient environ la moitié. Et l’on avait environ 11 % des cas qui étaient définis comme des viroses, c’est-à-dire qui ressemblaient à une infection par un virus sans que l’on ait pu étiqueter de quel virus il s’agissait. Il y avait 11 % de patients qui avaient des signes gastro-intestinaux sans que l’on ait pu définir l’agent infectieux. Enfin, on a 15 % des patients qui n’avaient aucun diagnostic posé.

Pour la répartition, on voit que toutes les maladies transmises par des petites bestioles sont vraiment majoritaires. Parmi ces maladies transmises par les moustiques, les tiques, etc, la malaria est évidemment en première place, suivie effectivement par les infections par les arboviroses qui représentent 44 %. On a regardé les maladies qui pouvaient être prévenues en partie, car on sait que certains vaccins ne préviennent pas totalement des infections pour lesquelles on vaccine, on pense notamment à la fièvre typhoïde qui n’a pas une efficacité à 100% . Pour les gens pour lesquels nous avons eu l’information, on voit que pour la diphtérie, tétanos, polio, les gens sont généralement vaccinés, pour la fièvre jaune aussi. Pour la typhoïde, hépatite A hépatite B, qui sont des infections pour les deux dernières virales, et la première bactérienne, on a environ deux tiers des personnes qui sont vaccinés.

En conclusion, je voudrais dire que 45 % des maladies sont transmises par les vecteurs. Comme quoi la prévention contre les piqûres est vraiment quelque chose d’essentiel, notamment contre les moustiques, pas seulement les moustiques du paludisme, mais également contre ceux qui transmettent la dingue. Arrivent ensuite les infections respiratoires. Les infections liées à l’alimentation et aux boissons avec un germe authentifié représentent 4 %, tout en sachant qu’en plus de ces 4 %, 11 % des patients présentaient une pathologie diarrhéique non expliquée.

 Tous les voyageurs craignent la célèbre « turista », comment s’en prémunir ?
Réponse de Olivier Bouchaud

Vous touchez un des sujets que je préfère... Non...Tout ça pour faire tomber des mythes ! Beaucoup de gens et beaucoup de médecins sont convaincus que le premier coupable de la diarrhée du voyageur c’est l’eau. Après l’eau, c’est la salade.

Fermez les yeux. Mettez-vous dix secondes à la place de la bactérie la plus fréquemment en cause dans la diarrhée du voyageur qui s’appelle Esherichia coli ou la shigelle c’est pareil... Mettez-vous à la place d’une bête comme ça. Que choisissez-vous entre une feuille de salade, un verre d’eau, et un bon morceau de bifteck ? Vous choisiriez évidemment le morceau de poulet ou de bifteck ! Ce que beaucoup de gens ne perçoivent pas, c’est que dans les grands hôtels 3, 4 ou 23 étoiles, où vous avez des grands buffets préparés depuis le matin avec des choses plus ou moins bien conservées, qui sont ensuite servies à midi et le soir, c’est tiédasse, la cuillère pour se servir est en équilibre sur le rebord donc régulièrement elle tombe dedans, donc on met la main dedans pour la récupérer, on a la main pleine de doigts et les doigts plein de germes, donc on met les germes dedans...C’est idéal pour transmettre des germes.

S’ils allaient sur le trottoir en face de l’hôtel aux petites bonnes femmes du coin qui vous servent un bol de soupe bouillante qui vous brûle les doigts, le risque là c’est zéro. Pour vous convaincre de cela si vous ne l’êtes pas, il y a une magnifique étude qui a été faite à Katmandou au Népal. Ce qui ressortait comme facteurs de risque d’attraper la diarrhée du voyageur, c’était d’aller dans les grands hôtels et les grands restaurants, de manger des lasagnes et des quiches (il faut être un peu cinglé pour manger des trucs comme ça à Katmandou mais il y en a qui le font...). Et, ce qui n’était pas à risque c’était de boire l’eau du robinet de Katmandou et d’aller dans les restaurants de rue.

Je vais même enfoncer le clou. On a jamais démontré que les précautions alimentaires que l’on impose aux voyageurs (manger pas ceci, manger pas cela...) servaient à quelque chose. Cela ne veut pas dire que cela ne sert à rien, il ne faut pas aller jusque-là, mais si ça sert à quelque chose, ce n’est pas grand-chose. La seule chose que l’on ait démontrée c’est que se laver les mains avant de passer à table et en sortant des toilettes évitait la diarrhée du voyageur. Et, c’est la seule chose que l’on ne dit jamais lorsque l’on donne des conseils aux voyageurs concernant la diarrhée.
 
 Quelle est l’incidence réelle de la « turista », ne suffit-il pas de prendre un traitement ?Réponse de Olivier Bouchaud

Juste un chiffre en termes de coûts financiers. Vous savez qu’en France, c’est peut-être contestable mais c’est comme ça, tout ce qui tourne autour du voyage n’est pas remboursé par la sécurité sociale, considérant que cela fait partie du loisir et que c’est de la prévention. Par contre pour ce qui va être curatif, c’est-à-dire lorsqu’il faut prendre en charge l’événement de santé en question, c’est la collectivité qui paye. Dans cette étude qui a été faite, le coût direct et indirect est de l’ordre d’un million d’euros pour 10 000 voyageurs ce qui est quand même très important pour une maladie bénigne. Alors bénigne...C’est vrai dans l’immense majorité des cas. Il y a quand même une mortalité faible mais réelle associée à la diarrhée du voyageur particulièrement chez les personnes âgées. Les seniors voyagent de plus en plus actuellement, c’est très bien, mais néanmoins ce sont des personnes plus fragiles. Il y a des formes sévères. Il y a des formes qui sont aggravées par des médicaments. Sachez qu’Il ne faut pas utiliser d’Immodium lorsque l’on a une diarrhée. Dans le meilleur des cas, cela va entraîner une constipation plus gênante que la diarrhée elle-même. Dans le pire des cas, cela va entraîner un blocage, une dilatation du colon qui peut aller jusqu’à sa rupture, c’est-à-dire une péritonite et cela peut donc être très grave. Vous avez des voyageurs qui ont eu la malheureuse idée de prendre de l’Immodium et qui se sont retrouvés avec une colectomie, on leur a retiré le colon.

Néanmoins peu de gens sont conscients que la diarrhée du voyageur, dont on rigole plutôt en racontant ses mésaventures au retour, peut parfois être embêtante. Le seul vrai traitement de la diarrhée c’est boire. C’est très important. Je vais vous raconter une petite histoire : un jour j’étais dans un hôtel et je ne sais pourquoi on a su que j’avais quelques notions médicales et l’on m’a dit « venez vite il y a un monsieur qui ne va pas bien du tout ». Je suis tombé sur un monsieur d’environ 70 ans qui était littéralement lyophilisé. Il était arrivé la veille, il a voulu se précipiter sur la pyramide de Gizeh. Il avait une diarrhée monstrueuse. Il voulait s’accrocher à sa pyramide, il voulait aller jusqu’au bout, donc il est resté sur le site en plein soleil, soutenu évidemment par ses camarades. En fin d’après-midi, on le ramène, non pas liquéfié mais lyophilisé. On l’allonge sur son lit. Et, je lui demande pourquoi vous n’avez pas bu ? Et, il me dit ma grand-mère m’a toujours dit que boire cela aggravait la diarrhée. Cela a été dramatique pour lui. Effectivement il n’avait pas bu. Il devait pourtant avoir sacrément soif car quand on a une diarrhée, on a soif, c’est le premier signe de déshydratation. Résultat il était très mal et le lendemain on a dû le rapatrier sur Paris. Il aurait bu régulièrement même en s’accrochant à sa pyramide. Il serait revenu un peu fatigué le soir. On l’aurait réhydraté en abondance pendant la nuit. Le lendemain il serait reparti à Gizeh et cela aurait été parfait.

Donc retenez : le seul vrai traitement de la diarrhée du voyageur, c’est boire !
Après, on peut prendre un peu de Smecta ou de Turfan (qui est le médicament anti-sécrétoire à la mode contre la diarrhée).

L’Immodium a une seule vraie indication, c’est si vous voulez monter dignement dans votre avion et ne pas vous répandre partout, effectivement c’est la chose qui marchera vraiment. Mais c’est la seule indication dans la diarrhée du voyageur.

 Quelques exemples de symptômes de ces maladies infectieuses ?Réponse de Pierre Buffet

Avec quelques images, essayons de nous mettre dans la position du médecin qui regarde et qui voit ce qui se passe.

Voilà le cas d’une personne qui avait non seulement de la fièvre mais ce syndrome grippal, courbatures, maux de tête quelquefois très intenses, et qui a cet aspect tout rouge. Ce n’est pas un coup de soleil, c’est plus que cela. Cela apparaît en général après quelques jours de fièvre. Il y a quelques particularités lorsque l’on est dermatologue qui peuvent attirer l’attention. Vous voyez que dans cette ambiance toute rouge et étendue, il y a des petites zones où manifestement l’éruption n’apparaît pas. Et puis il y a une petite caractéristique qui est bien connue des personnes qui vivent en zones d’endémie et des médecins expérimentés qui est que les patients se plaignent de fourmillements intenses au niveau des mains et des pieds. Là il s’agit de cette pathologie qu’est la dengue.

Un autre exemple de maladie infectieuse donnant de la fièvre au retour de voyage. Voyez ici une éruption différente constituée d’éléments bien séparés les uns des autres. Un examen très attentif permet de révéler une petite croûte noirâtre à la limite du cuir chevelu. Cette croûte noirâtre correspond à la zone de morsure d’une tique qui a transmis une maladie au nom barbare qui est la rickettsiose. Elle est due à des bactéries un peu particulières, qui ont l’avantage d’évoluer favorablement sous antibiotique en quelques jours. Cela peut aussi évoluer favorablement de façon spontanée.

Les piqûres d’insectes, voyez que j’ai pris des images avec les réactions les plus marquées. Cela peut donner des réactions dites bulleuses avec des ampoules. Et puis, vous avez ici deux personnes qui ont été mordues par une scolopendre, c’est des mille pattes qui existent par exemple aux Antilles. Ce sont des morsures assez profondes qui peuvent se compliquer quelques heures ou quelques jours plus tard, d’infections bactériennes. Mais, ce ne sont pas des bactéries qui sont inoculées par la scolopendre. Ce sont des bactéries qui sont présentes à la surface de la peau et qui une fois qu’elles ont pénétré la peau peuvent donner des infections parfois sévères.

Voilà maintenant des maladies infectieuses, parasitaires, avec de vilaines petites bêtes que l’on peut attraper en s’asseyant ou s’allongeant sur les plages, particulièrement celles où se promènent les chiens. Les chiens dans leurs selles peuvent émettre des petites larves de parasites qui vont passer au travers de la peau. La larve est passée sous la peau, elle ne peut aller de l’avant, alors elle se déplace et laisse cette trace qui est très désagréable parce qu’elle démange furieusement. Fort heureusement cela peut guérir seul. Cela peut aussi durer plusieurs mois, mais il y a des traitements très efficaces. La prévention consiste à s’allonger sur la zone nettoyée par les vagues ou à se mettre sur une rabane pour éviter la pénétration depuis le sable. Autre prévention, c’est d’éviter la présence de chiens sur les plages. Malheureusement cela ne dépend pas du voyageur...

Je voudrais conclure sur la notion de maladies négligées. Il a été beaucoup question de voyageurs et c’est le sujet de ce soir. C’est vrai que beaucoup de maladies qui peuvent frapper le voyageur frappent d’abord et avant tout les populations locales. Certaines d’entre elles sont relativement rares et n’intéressent absolument pas les laboratoires pharmaceutiques. Raison pour laquelle il est important que des institutions un peu différentes génèrent les moyens de poursuivre la recherche pour que des médicaments efficaces puissent émerger. L’Association médecins sans frontières a noué une alliance avec d’autres institutions du Nord et du Sud : le ministère de la santé de Malaisie, des structures de recherche du Brésil, etc pour essayer de trouver l’argent nécessaire et l’organisation nécessaire afin que l’on ait les moyens de développer des médicaments efficaces contre ce type de maladies. On l’espère pour le plus grand bénéfice des voyageurs mais aussi des gens sur place...
 
 Certains vaccins comme la typhoïde ne sont pas fiables à 100 %, malgré tout n’est-il pas préférable de se faire vacciner ? Réponse de Olivier Bouchaud

Ne me dites pas typhoïde... Alors je vais dire le mot maintenant c’est de l’escroquerie. Les gens qui partent huit ou dix jours au Sénégal ou en Malaisie, à qui l’on inflige la typhoïde, alors que cela coûte relativement cher, c’est de l’escroquerie. Le petit monsieur et la petite dame de 70 ans qui partent main dans la main passer huit jours à Bali, à qui l’on inflige l’hépatite B, c’est de l’escroquerie. Le couple qui va passer son voyage de noces aux Maldives, à qui l’on inflige trois doses vaccinales contre la rage, c’est de l’escroquerie. Et cela se fait ...

Attention, je ne suis pas anti-vaccins, loin de là... Les vaccins rendent des services fabuleux en termes de santé publique dans les pays en voie de développement. Je suis contre l’escroquerie, c’est tout. En Afrique, il faut impérativement la fièvre jaune, même si on va dans un pays où cela n’est pas obligatoire. La fièvre jaune est une maladie gravissime surtout chez l’européen qui n’a aucune protection naturelle. Le risque est faible, mais si on l’attrape, on a tellement de risque de passer à la trappe que vraiment il ne faut pas se priver de ce vaccin-là qui marche parfaitement bien et qui est valable 10 ans. Par contre pour des maladies comme la typhoïde qui reste très rare, qui sont traitables, et qui peuvent être évitées par un vaccin qui ne marche pas très bien, non il ne vaut mieux pas. Pas d’abus. Sauf si l’on part un an, là le problème est différent.
Un dernier message : le voyage est aussi une bonne occasion de vérifier les vaccinations classiques.

 D’autres vaccins sont-ils en cours de recherche ? Réponse de Christine Sadorge

Il y a d’autres vaccins qui sont au stade de recherche à l’Institut Pasteur, notamment deux vaccins : l’un contre une bactérie qui est la shigellose, l’autre contre le choléra. Je dirais que pour le voyageur le choléra ce n’est pas vraiment un problème. La shigellose, ça l’est mais pas plus que cela. Ce sont plutôt des vaccins qui sont intéressants pour les pays où vivent les gens où sévissent ces maladies. Il y a eu des études qui ont été faites pour évaluer le poids des infections à shigelle et selon l’OMS en 1999, le nombre d’épisodes annuels étaient de 165 millions de cas avec environ 1 million de décès, dont 99 % dans les pays en voie de développement et deux tiers chez les enfants de moins de 5 ans. Donc, des risques et un taux de mortalité élevés.

Ce qu’il faut savoir brièvement, c’est qu’à partir du moment où l’on commence à travailler et à élaborer des candidats vaccins, quand je dis candidats c’est parce que ce ne sont pas encore des vaccins utilisables, il y a tout un parcours à faire en dehors de la recherche fondamentale qui est la recherche clinique pour pouvoir mettre ce vaccin sur le marché et l’utiliser.

La shigellose est une bactérie qui est à l’origine de la dysenterie bacillaire, dont le réservoir est l’homme. C’est une bactérie qui se trouve dans le tube digestif. La contamination se fait par des aliments ou des eaux souillées ou par contact direct entre les personnes. Le diagnostic c’est l’isolement de ce germe dans les selles. Il y a un traitement antibiotique. Le problème de ce traitement c’est que lorsqu’on les utilise de façon fréquente, il y a des résistances à ces antibiotiques qui se créent. Il faut savoir qu’il suffit de 1 à 100 bactéries pour infecter le tube digestif. À ce moment-là, la bactérie va renter dans les cellules qui recouvrent la paroi du tube digestif. Elles vont proliférer à l’intérieur de ces cellules. Cela va les faire mourir. Il va y avoir une réaction inflammatoire. Il va y avoir des liquides qui vont aller dans cette zone intestinale et provoquer une partie de cette diarrhée.

Le professeur Sansonetti (Institut Pasteur) a réfléchi sur les mécanismes d’entrée de la bactérie dans la cellule. Il a regardé au niveau des gènes comment cela se passait pour voir quels étaient les gènes qui étaient en cause dans ce mécanisme d’invasion.Leprofesseur a mis en évidence tous les gènes qui intervenaient dans les étapes d’entrée de la bactérie, les étapes qui permettaient à la bactérie d’être directement à l’intérieur de la cellule, et ensuite les gènes qui codaient pour le passage de la bactérie d’une cellule à l’autre. Il a retiré ces gènes de la bactérie en question. Il a donc fait une bactérie qui était génétiquement atténuée et qui n’avait plus ce caractère de virulence, mais qui en étant absorbé par le patient qui va être vacciné va permettre de développer des anticorps, pour avoir une protection contre cette bactérie sans avoir les problèmes de pathologie.

Il y a donc toutes ces étapes qui ont été réalisées. Il y a eu une évaluation chez l’animal. À l’heure actuelle, on est en train de passer à l’homme. Nous allons avoir le premier essai clinique au mois de septembre avec cette bactérie modifiée, pour évaluer la tolérance, du produit, la réponse de l’organisme à cette bactérie, la quantité d’anticorps qui va être produite... Il y a donc tout un processus qui va durer assez longtemps (en moyenne cela dure environ 7 ans). Donc avant que le vaccin puisse être commercialisé, il y a encore une longue route.

Nota : Conférence du 8 juin 2003 : texte copié sur site http://www.cite-sciences.fr
 

 
 

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